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Maillage vétérinaire : des initiatives en région

En Ardèche, en Dordogne, dans l’Oise, dans le Grand Est, en Centre-Val de Loire ou en Île-de-France, toutes les pistes sont activées pour conforter les vétérinaires ruraux en activité et pour attirer de nouveaux praticiens.

L’Ardèche est l’un des départements français les moins dotés en vétérinaires pratiquant la rurale. « En 2021, une centaine d’élevages se sont retrouvés sans vétérinaire sanitaire dans le nord du département, car un cabinet a cessé l’activité en pleine période de prophylaxie », confirme Margot Brie, directrice du GDS de l’Ardèche. De façon exceptionnelle, la DDesPP a employé une vétérinaire pour assurer cette tâche. Un cabinet de la zone concernée s’est retrouvé avec un seul vétérinaire pour faire toutes les gardes pendant treize semaines consécutives. Une situation intenable. Le GDS et les vétérinaires du département se sont alors réunis avec la DDETSPP (Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations) autour de la problématique du maillage vétérinaire. C’est aussi à ce moment que l’appel à manifestation d’intérêt est paru, et l’Ardèche y a participé.

Ce département présente une faible densité d’élevages, des productions très diversifiées qui demandent pas mal de compétences aux vétérinaires, et une topographie qui fait que les temps de déplacements sont très longs. « Nous sommes engagés sur toutes les pistes : mutualisation des gardes et des astreintes quand c’est possible par rapport aux temps de trajets, mise à disposition de logements par les communes pour des stagiaires, expérimentation de la télémédecine, aides à l’investissement pour les cliniques vétérinaires, développement de l’offre de contractualisation, renforcement des liens avec les écoles vétérinaires et organisation de séjours découverte des atouts qu’offre l’Ardèche… », énumère Margot Brie.

Des aides financières pour les cliniques vétérinaires et pour les étudiants vétérinaires

En Dordogne, la situation est relativement semblable. « Une zone à faible densité d’élevages au centre du département est fragile, et la pérennité de cliniques vétérinaires n’est pas garantie », présente Nicolas Corboz, directeur du GDS de Dordogne. Des vétérinaires font déjà jusqu’à 60 km pour aller consulter en élevage. Le GDS amplifie ses formations pour que les éleveurs montent en technicité et développent la médecine préventive. « Nous subissons un cercle vicieux : le manque de temps conduit les vétérinaires à se sous-investir en technique et en stratégie dans l’activité sur les animaux de production, et il s’ensuit une perte de profitabilité pour le cabinet de l’activité rurale. La mixité d’un vétérinaire (canine et rurale) est de plus en plus difficile pour les jeunes praticiens », analyse Nicolas Corboz.

Il faudrait que les cabinets rassemblent quatre ou cinq vétérinaires spécialisés en rurale pour que les gardes reviennent à un rythme vivable. « Dans les zones en pleine déprise, il est difficile de concilier le cadre réglementaire de la médecine vétérinaire libérale avec la volonté de garantir le service à tous, pointe aussi Nicolas Corboz. Un cabinet doit être détenu à majorité par des vétérinaires. Mais qui va vouloir investir dans une zone où la rentabilité de la rurale n’est plus là ? »

Dans le Grand Est, un échange avait été entrepris dès 2021 avec la région sur le thème du maillage vétérinaire. « Avec le conseil de l’Ordre des vétérinaires, le syndicat des vétérinaires et le GTV, un plan d’action a été construit, et la région s’est montrée prête à en soutenir une partie », explique Clotilde Laffineur, du GTV Grand Est. 

Un poste de chargé de mission au GTV a été créé pour travailler spécifiquement sur cette thématique. Les premiers dossiers de demande d’aides pour les cliniques vétérinaires ont été présentés en 2023 puis en 2024. La région leur demande en contrepartie qu’elles s’engagent pour au minimum cinq années à la continuité des soins au profit d’animaux d’élevage dans le Grand Est. Une aide à l’installation pour les vétérinaires, une aide à l’investissement dans du matériel (échographe, analyseur biochimique) ou dans l’immobilier bâti (un nouveau bâtiment, une salle d’hospitalisation pour veaux, un studio pour accueillir les stagiaires), et une aide pour l’accueil de stagiaires (logement et déplacements des stagiaires, dédommagement pour le temps consacré des vétérinaires) sont proposées. 

Un poste de chargé de mission au GTV a été créé avec le soutien de la Région pour travailler spécifiquement sur la thématique du maillage. « Nous tenons à jour un listing des cliniques de la région qui prennent des stagiaires en rurale, complète Clotilde Laffineur. Nous avons aussi organisé une semaine dédiée au bien-être au travail de nos vétérinaires ou encore deux séjours d’accueil d’étudiants vétérinaires dans le Grand Est avec l’aide de la région. »

Des séjours de découverte du territoire pour les étudiants vétérinaires

En région Centre-Val de Loire, c’est depuis cinq ans que l’union régionale des GTV reçoit chaque année un groupe d’étudiants en dernière année d’Oniris (Nantes) qui ont choisi la rurale. « Notre région n’est pas toujours identifiée par les étudiants comme une région où ils pourraient s’installer. Pendant une semaine, nous leur faisons découvrir les relations que nous construisons avec les éleveurs, le réseau professionnel et les atouts du territoire », présente Sébastien Sicard, vétérinaire à Vierzon et vice-président du GTV Centre-Val de Loire. « Les résultats sont intéressants. Les cliniques prennent davantage de stagiaires, et cela a abouti à des installations dans la région. »

Dans l’Oise, les premières situations d’urgence remontent à une dizaine d’années. « Une zone de 50 à 60 kilomètres de rayon au centre du département est sans vétérinaire pour les animaux de production depuis déjà longtemps », indique Alice Tarchaoui, conseillère en viande bovine à la chambre d’agriculture de l’Oise. Les syndicats agricoles et vétérinaires, la chambre d’agriculture et le GDS se sont réunis pour trouver des solutions. Ils ont notamment rédigé une charte sur les relations partenariales entre éleveurs et vétérinaires. « Nous avons essayé de mettre en place des points de dépôts de médicaments en pharmacie, et les animaux nécessitant des soins étaient transportés à la clinique. Mais ce n’était pas concluant ni pour les éleveurs ni pour les vétérinaires », explique Alice Tarchaoui. La sortie de crise est venue d’une clinique qui a proposé de faire une tournée tous les mercredis pour suivre ces élevages, situés à près d’une heure de route.

En région Île-de-France, les vétérinaires sont presque partout à plus de 50 km des élevages. Un plan d’action sur le maillage vétérinaire a germé après l’appel à manifestation d’intérêt avec la chambre d’agriculture, le GDS, le GTV et le CROV régionaux ainsi que le syndicat des vétérinaires, l’École nationale vétérinaire d’Alfort, le préfet de région et le conseil régional. « L’un des axes consiste à faciliter l’implantation d’établissements de soins pour les animaux de ferme. Un autre porte sur la formation de vétérinaires canins et de jeunes vétérinaires », explique Margaux Gelin, chargée de mission maillage vétérinaire à la chambre d’agriculture Île-de-France.

L’idée est de les accompagner et de les encourager, grâce à un réseau d’experts vétérinaires qui les aident à distance, à prendre en charge des troupeaux, notamment ceux de petits détenteurs qui sont nombreux dans la région (voir article télémédecine). L’École nationale vétérinaire d’Alfort s’est équipée en 2023 dans le cadre de ce plan d’un camion aménagé dédié à l’activité rurale, qui permet d’amener des étudiants dans les élevages pour renforcer ses capacités d’intervention. Elle devrait également acquérir prochainement une bétaillère afin de pouvoir amener des animaux de ferme au CHU vétérinaire de l’école.

Le dispositif « Corrèze santé animale » est en place depuis 2022

« Dès que la loi l’a permis, nous avons dédié en soutien à la médecine vétérinaire rurale une enveloppe de 1,2 million d’euros pour une période de cinq ans », présente Hélène Rome, vice-présidente du conseil départemental de Corrèze et éleveuse de bovins viande. « Le diagnostic du territoire était déjà fait, et le plan a été calqué sur celui pour la médecine humaine. »

Ce plan se décline en aides à l’installation (20 000 euros), à l’achat de matériel, à l’investissement dans l’immobilier bâti (jusqu’à 100 000 euros pour une maison de santé vétérinaire avec plusieurs vétérinaires qui s’engagent à recruter) et à l’accueil de stagiaires. Le dispositif finance aussi partiellement un service de régulation des appels pendant les gardes, assuré par une entreprise prestataire. Près de 80 % des cliniques du département l’utilisent. « Il y a très peu de régulation en rurale : 85 % des appels donnent lieu à une consultation. A contrario, plus de 80 % des appels en canine n’aboutissent pas à un examen pendant la période de garde. Ce service libère ainsi du temps pour les vétérinaires », présente Laetitia Bellessort, chef de projet au conseil départemental de Corrèze. Un service de conciergerie, l’organisation d’un week-end de détente au moment du salon de l’élevage de Brive-la-Gaillarde, des actions de communication sont aussi mises en place.

« Quatre anciens stagiaires se sont déjà installés, et cinq cliniques ont investi pour la rurale en Corrèze. C’est un résultat positif, mais fragile. »

 

« Notre école vétérinaire participe à l’effort pour des installations en rurale »

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Marie-Anne Arcangioli, vétérinaire chercheuse et enseignante à VetAgro Sup (Marcy-l’Etoile, Rhône) © VetAgro Sup

« En tant qu’école vétérinaire, nous participons à l’effort pour renforcer le maillage vétérinaire avec les organismes professionnels agricoles et vétérinaires et les collectivités locales. Les étudiants passent par plusieurs stages pendant leur formation. Nous avons construit un réseau de cabinets vétérinaires qui les accueillent. Les élèves approchent progressivement, par petits groupes, le métier de la rurale. Une action largement aussi importante dans leur ouverture vers la pratique en rurale est le stage en élevage laitier qui intervient dès la 2e année d’école. C’est souvent pour eux leur premier contact avec la ruralité, et l’occasion de voir qu’une vie autant personnelle que professionnelle épanouissante est possible. L’école a aussi des partenariats avec différents GTV départementaux et régionaux pour organiser, pour les élèves qui arrivent en fin de formation, des séjours de rencontre avec les professionnels et de découverte du territoire. »

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