Echanger du foncier pour agrandir ses parcelles
Une procédure d'aménagement foncier visant à échanger des parcelles sans pénalité, a démarré au printemps dernier à St Privat d'Allier. Cette opération est conduite par l'ADASEA en partenariat avec la Chambre d'Agriculture. Trois exploitants témoignent.
A Saint-Privat d’Allier, les exploitants agricoles souffrent d’un parcellaire fortement morcellé. Suite à la demande de plusieurs d’entre eux, au printemps dernier, l’ADASEA en partenariat avec la Chambre d’Agriculture, a organisé plusieurs réunions sur le thème des échanges de foncier. Une trentaine d’agriculteurs qui exploitent des parcelles sur cette commune ont participé à la réunion de présentation de la démarche.
A St Privat d’Allier, le parcellaire a déjà fait l’objet d’un remembrement. Hervé Mingot, éleveur et président du syndicat communal de la FDSEA, revient quelques années en arrière : «C’était au milieu des années 1970 et à l’époque, le remembrement n’avait concerné que 5 ou 6 villages dans la partie haute de la commune ; un secteur où la population se montrait favorable à ce type d’opération d'aménagement foncier rural».
Parcellaire exigu et éclaté dans l’espace
Hervé Mingot exploite 43 ha dont seulement 15 ha sont issus de ce remembrement. Son parcellaire exigu et éclaté dans l’espace sont pour lui une gêne quotidienne : «Sur mes 43 ha, j’ai 56 ilôts. Dans ces conditions, sortir les vaches au pâturage constitue un problème ; les parcelles étant petites, il faut souvent changer les vaches de place. Faner, ensiler et moissonner induisent de grosses pertes de temps ainsi que des frais supplémentaires dus aux nombreux déplacements de matériels».
Guy Eyraud, maire de St Privat et éléveur dans la partie haute de la commune, exploite quant à lui des terres issues du remembrement. Son exploitation s’étend sur 67 ha divisés en 28 ilôts. Le foncier de Guy Eyraud est évidemment bien moins morcellé que celui de Hervé Mingot, ce qui ne l’empêche pas de vouloir se lancer dans les échanges de foncier en cours sur la commune : «depuis 1975, le foncier a évolué, le nombre d’exploitants a diminué, certains propriétaires ont arrêté d’exploiter et ont cédé leurs parcelles à d’autres agriculteurs… Il y a donc toujours des améliorations à apporter !».
Possibilité d’échanger pendant 5 ans
A St Privat, tous les exploitants qui montrent une volonté d’améliorer leur parcellaire par les échanges de foncier ont participé à des réunions de travail par village. Quelques surfaces ont d’ores et déjà été échangées. Pour les autres, la réflexion et les discussions se poursuivent à l’heure actuelle sachant que la possibilité de procéder à des échanges s’étend sur 5 ans.
Hervé Mingot prévoit déjà d’échanger des terres avec deux exploitants et espère poursuivre cette démarche avec d’autres car il sait très bien que les échanges multilatéraux (à 3 ou 4 personnes ou plus) apportent toujours de meilleurs résultats en terme de remodelage du parcellaire.
«Il y a quelques années, j’avais procédé à des échanges de parcelles avec mes voisins, et je peux vous dire que je ne reviendrais pas en arrière. Il faut encourager les agriculteurs à se lancer dans l’échange de foncier, car ils ont tout à y gagner» explique Hervé Mingot.
Convaincu de l’intérêt de cette démarche d’aménagement foncier, Guy Eyraud attire l’attention sur le gain de temps pour l’éleveur et les coûts d’exploitation inférieurs induits par les échanges. «Rappelons que des travaux d’ensilage conduits sur une surface de 6 ha découpés en 2 parcelles induit 3 heures de travail contre 6 heures sur 6 ha très morcelés ! Le matériel ayant de surcroît tendance à s’agrandir, les parcelles doivent également suivre ces évolutions. Et l’échange est un moyen de les agrandir».
Hervé et Guy sont persuadés que les exploitations doivent évoluer pour être compétitives demain et pour eux, l’agrandissement des parcelles fait partie intégrante de ce schéma d’évolution.
Paul Faure : «Il faut aller de l’avant et ne pas hésiter à entrer dans des démarches d’échanges»
Avant de livrer son opinion sur la démarche d’échanges de foncier en cours sur sa commune, Paul Faure s’est tourné vers le passé pour nous faire part de son expérience : «Lorsque nous nous sommes installés en 1977 avec ma femme, c’était à Chadron, sur une exploitation de 30 ha au parcellaire très morcelé.
à l’époque nous recherchions une ferme un peu plus grande et nous avons finalement pu nous installer à St Privat, dans le village de Mercoeur.
Sur notre nouvelle exploitation, le parcellaire était bien plus fonctionnel (78 ha découpés en 11 ilôts dont la parcelle la plus éloignée se trouve à 1 km de la ferme !) ; j’ai donc pu mesurer l’impact du parcellaire sur notre capacité à travailler les parcelles et à les exploiter correctement.
Aujourd’hui, Paul est en Gaec avec 3 membres de sa famille, et il n’hésite pas encore aujourd’hui à se lancer dans des échanges : «Dans le cadre de la démarche d’échanges de foncier en place sur St Privat, nous venons de procéder à des échanges avec un exploitant. Dans la transaction, nous avons certes perdu un peu de surface mais nous avons réussi à agrandir nos ilots ; ce qui représente pour nous d’importants gain de temps».
Pour Paul Faure : «l’agriculteur d’à côté n’est pas notre concurrent sur le marché car nous avons les même charges et les mêmes problèmes. Notre concurrent peut se trouver à l’autre bout de la terre ; il n’a pas les mêmes structures, ni les mêmes charges mais il pénètre le même marché que nous !
L’émergence de la démarche «Montagne» nous laisse présager une évolution positive en terme de valorisation de nos produits. Toutefois, si l’on reste avec nos petites structures et que l’on n’entreprend rien pour les faire évoluer, d’autres prendront notre place.
Il faut donc aller de l’avant et ne pas hésiter à entrer dans des démarches d’échanges.
Quant aux propriétaires, je voudrais rappeler que, nous exploitants, nous avons besoin d’eux car on ne peut tout acheter. Quant aux échanges de parcelles, les propriétaires ressortent gagnants de telles démarches car leurs terres sont mieux exploitées et gagnent en valeur.
Le programme d’aménagement foncier à Saint Privat d’Allier
Sur la commune de Saint Privat d’Allier, l’ADASEA, en partenariat avec la Chambre d’Agriculture, a réalisé courant 2010 plusieurs réunions d’information pour expliquer l’intérêt pour les exploitants, désireux d’effectuer des échanges de foncier à l’amiable, d’intégrer le programme d’aménagement foncier agricole.
L’animation de ce dispositif mis en place par le Conseil Général a été confiée à l’ADASEA. Il permet aux exploitants d’améliorer leurs conditions d’exploitation et diminuer leurs charges en regroupant leur parcellaire par le biais d’échanges de terrain à l’amiable sans risque de pénalités si les contrats MAE ne sont pas repris (PHAE, Natura 2000). A ce titre, dans le cadre de la démarche, la DDT (Direction Départementale des Territoires ) applique la procédure de force majeure qui permet à l’exploitant d’éviter l’application de pénalités à tout échange de foncier lorsque les engagements MAE ne sont pas repris.
Sur la commune de Saint Privat d’Allier, plus d’une trentaine d’exploitants ont donné leur autorisation (ce qui représente une surface équivalente à 80 % de la SAU) pour greffer leurs parcellaires d’exploitation à l’aide d’un outil cartographique. Ce logiciel informatique permet de visualiser tous les parcellaires sous forme de jeu de couleurs et rend identifiable tout de suite les possibilités d’échanges de cultures. L’animation se fait petit à petit sur différents secteurs de la commune de Saint Privat d’Allier ce qui permet aux exploitants de se rencontrer régulièrement pour engager la réflexion et mettre en place une « bourse de parcelles » par des échanges de culture à l’amiable.
Dans ce type d’échange le bail n’est pas remis en cause, les fermiers continuent de régler le fermage à leurs propriétaires et sont responsables de leur contractant. D’un point de vue réglementaire ce dernier exploite la parcelle reprise et doit également la déclarer à la PAC.
Les propriétaires trouvent également un avantage certain à ce type d’échange de foncier vu que leur parcelle sera mieux exploitée du fait de l’amélioration du parcellaire d’exploitation des contractants et donc mieux valorisée en cas de vente.
Cette démarche repose entièrement sur le volontariat, ne remet pas en cause le bail et permet à tous, exploitants et propriétaires, de trouver leur avantage.
Sébastien PORTAL – ADASEA