Des plans élevage annoncés dans un SPACE sous tension
Alors que quelques 500 manifestants faisaient monter la pression à l'extérieur du SPACE - avant d'entrer et de saccager les stands du CNIEL, de la FNSEA et du Ministère de l'agriculture - le Ministre Bruno Le Maire a annoncé un plan de 300 millions d'euros, assorti d'une aide immédiate de 30 millions d'euros. Les annonces du Ministre en détail…
Les Space se suivent et se ressemblent. Comme l’an passé, le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, a été privé de visite du salon agricole de Rennes (Space). Cette fois-ci, il n’a même pas tenté d’arpenter les allées. La faute à la contestation syndicale portée par la Coordination rurale, l’OPL, l’Apli et la Confédération paysanne qui avaient appelé à la manifestation. Résultat : le ministre a fait son discours dans une salle au public trié sur le volet et protégé par la gendarmerie mobile venue en nombre face à cinq cents manifestants particulièrement remontés, réclamant d’accéder à la salle du discours. Leurs responsables syndicaux demandant, eux, à rencontrer le ministre, sans succès. S’en est suivi un saccage de stands représentant les lieux de « pouvoir » de la FNSEA. Le stand de l’interprofession laitière a été réduit à néant. Celui de la FNSEA et du ministère de l’Agriculture ont été cassés. Les annonces de 30 millions supplémentaires débloqués « pour les plus faibles » et de 300 millions d’euros de plans de développement pour les filières de l’élevage sur 3 ans n’ont en rien calmé les syndicats minoritaires. Bruno Le Maire, dans son intervention, n’a jamais évoqué les événements qui se déroulaient à l’extérieur. Le ministre dans son intervention a indiqué vouloir « tenir un discours de vérité ». Il l’a fait en vase clos.
Un « malentendu agricole »
L’objectif est bien de « fixer une stratégie et un cap pour l’agriculture française », souligne le ministre. Selon lui, il y a « un malentendu agricole en France », entre « les louanges que l’on chante pour l’agriculture française » et « la réalité, le quotidien et les difficultés des agriculteurs ». Dressant un constat pour le moins abrupt du peu de marge de manœuvre possible, il a martelé qu’« il n’y a pas de solution individuelle, pas de solution nationale, ni de solution magique ». Il plaide pour des « solutions collectives, européennes et internationales et un effort de long terme ». En résumé, le chemin est difficile « mais possible à force de volonté ». L’auditoire a visiblement apprécié ce discours très applaudi. Les autres responsables professionnels, maintenus à l’extérieur, ne l’ont pas entendu. Mais, pendant un moment, à l’intérieur de la salle, on percevait en bruit de fond le chant des producteurs de lait : « Lève-toi producteur laitier ! » entonné par la Coordination rurale, l’Apli et l’EMB. « J’ai interpelé un conseiller du ministre pour lui dire que ma place était à l’intérieur, raconte Philippe Collin, porte-parole de la Confédération paysanne. Il n’est jamais revenu ».
Des aides «pour les plus faibles»
Bruno Le Maire, qui défend une vision à long terme de l’agriculture, n’est pas venu les mains vides pour le court terme. « Cela n’interdit pas de soutenir les plus faibles, ceux qui ont rencontré des difficultés au cours des mois passés », a-t-il lancé. Trente millions d’euros supplémentaires seront donc débloqués dans le cadre du DACS Agri. Il s’agit d’une boîte à outils, permettant aux éleveurs, sur la base de diagnostics d’exploitation de bénéficier du FASC (fonds d’allégement des charges), de consolidation de prêts… dans le respect de la règle du « de minimis ». Une manière de lâcher du lest dans un contexte difficile moralement et économiquement pour les éleveurs.
« Ce ne sont pas des sucrettes mais un effort considérable de l’Etat », a précisé le ministre. Pour soulager les trésoreries des exploitations, « une avance sur les aides de la Pac sera versée dès le 15 septembre pour l’ICHN et les 16 octobre pour les autres aides, notamment la PMTVA ». Ce qui représente 3 milliards d’euros d’aides versées en avance.
L’obligation de compétitivité
Très attendu par les filières de l’élevage, le ministre a dévoilé les grandes orientations des plans de développement qui rappellent l’obligation de compétitivité de l’agriculture française face à de « nouveaux » concurrents comme l’Allemagne. 300 millions d’euros « vont être débloqués » sur 3 ans pour financer ces plans, a expliqué le ministre. S’il a expliqué longuement les pistes qu’il convenait d’explorer dans chaque filière, le chiffrage des mesures reste vague. Ce que l’on sait, de façon précise, est que le secteur porcin bénéficiera d’un « accompagnement financier des producteurs » dans le cadre de la mise aux normes. L’aide financière à la truie gestante sera doublée (de 100 à 200 euros). Cette aide passera à 300 euros pour les jeunes agriculteurs et les éleveurs de montagne et à 400 euros pour les jeunes installés en zone de montagne. Cela représente 60 millions d’euros sur les 300 annoncés. Pour le secteur laitier, le ministre a indiqué que ce plan « financera les investissements pour moderniser les exploitations » et « développer la méthanisation ». Sans oublier « l’encouragement des investissements dans l’innovation pour l’industrie laitière », sans plus de précision. Concernant la filière bovine, Bruno Le Maire a indiqué « croire en l’engraissement en France des jeunes bovins ». « Je souhaite que 100 000 de ces bovins sur un million qui partent en Italie se faire engraisser, puissent l’être en France ».
Une batterie de « solutions »
Les pistes contenues dans ces plans reprennent les idées défendues par Bruno Le Maire depuis plus d’un an. Ce qui a le mérite de la constance. Mais on n’y trouve pas d’orientations vraiment nouvelles. Pour le secteur porcin par exemple, « cesser de perdre des parts de marché au profit de l’Allemagne » et « remonter la pente » passe par « la valorisation de la viande porcine française ». Même idée pour la filière bovine, pour laquelle le ministre défend « une stratégie agressive de valorisation de nos produits ». Gagner en compétitivité pour cette filière réclame « une modernisation de l’outil de production en matière d’abattage », explique le ministre. Un audit sera engagé sur l’ensemble de la filière abattage ».
« Je crois dans les abattoirs de proximité », a-t-il expliqué. L’enjeu est évidemment d’avoir le
« meilleur prix pour le producteur ». « Ces centimes, nous irons les chercher un à un pour les rendre aux producteurs », a-t-il promis. Il s’agit aussi de mieux répondre aux attentes des consommateurs, explique le ministre. « Je souhaite que l’interprofession modifie la grille de cotations (...) qui valorise des animaux trop lourds. Ces animaux ne correspondent pas aux attentes des consommateurs ».
Jouer collectif
Mais, prévient-il, « seul un engagement collectif de toute la filière permettra de construire des solutions réalistes et efficaces ». Le ministre demande à ce que, dans le cadre de l’interprofession Interbev, « une discussion s’ouvre avec la transformation et la grande distribution pour mieux rémunérer le travail des producteurs ». Au chapitre de l’organisation encore, il propose également pour la filière laitière de réfléchir « à une gouvernance par bassin » au lieu du « modèle de gestion à la française qui permet une redistribution uniforme des volumes ». Autre levier de la quête de compétitivité défendu par Bruno Le Maire, les contrats. « Seuls les contrats permettront de stabiliser les revenu des producteurs », a-t-il répété. Il défend aussi « les contrats entre les filières de l’élevage et les filières de grandes cultures de manière à lisser les prix de l’alimentation sur plusieurs années ».
Enfin, dans la droite ligne de la déclaration de Nicolas Sarkozy, expliquant au Salon de l’agriculture « que l’environnement, cela commençait à bien faire » le ministre a annoncé un « moratoire sur les nouvelles règles environnementales » qu’il avait déjà évoqué en déplacement dans l’Eure. Une « pause » sur les mesures agrienvironnentales qu’avait réclamée Jean-Michel Lemétayer en décembre dernier.