Entretien
« À côté des mesures de libéralisation, il faut des mécanismes de gestion »
Face à la volatilité des prix qui est devenue le problème agricole essentiel, Dacian Ciolos estime « qu’il faut garantir une stabilité aux agriculteurs. »
Dacian Ciolos, le nouveau commissaire européen à l’agriculture, précise, répondant en quelque sorte à la position de la France, que les instruments de régulation « doivent être bien ciblés et rester d’application exceptionnelle. » À la veille de l’ouverture du Salon de l’agriculture (SIA) de Paris où il devait se rendre, Dacian Ciolos a répondu à nos questions.
Le Salon de l’agriculture de Paris a choisi pour thème cette année la recherche et l’innovation. Vous-même, vous êtes plutôt sensible aux OGM ou à l’agriculture biologique ?
Face aux défis qui sont devant nous, l’innovation est un élément clef pour l’agriculture européenne. La recherche aura, c’est certain, un rôle important dans les prochaines années. Mais cette question ne doit pas se résumer aux OGM. Ce n’est pas mon option personnelle qui compte mais plutôt comment gérons-nous cette réalité. Les OGM existent en Europe comme l’agriculture biologique qui a pris un essor important ces dernières années. Nous devons assurer aux agriculteurs la possibilité de choisir, ainsi qu’aux consommateurs.
La France veut changer l’orientation des réformes agricoles jugées trop libérales ces dernières années. Est-ce aussi votre intention pour 2013 ?
Il faut être clair : il n’est pas possible de revenir en arrière sur les réformes. Les décisions ont toujours été le fruit de compromis. Et la France, comme l’Allemagne et les autres Etats membres, ont été d’accord avec les orientations retenues. De façon plus générale, je crois qu’il faut éviter d’aller une fois dans un sens, une fois dans un autre. Il faut garantir une certaine stabilité, tant politique qu’économique, aux agriculteurs pour qu’ils sachent dans quelle direction aller. Cependant, je pense qu’à côté des mesures de libéralisation des marchés et d’adaptation au contexte international, il nous faut des mécanismes de gestion assurant une certaine stabilité des revenus, ainsi que la possibilité d’éviter des crises comme celle du secteur laitier par exemple.
Quand présenterez-vous votre projet de réforme ?
Je pense être en mesure de présenter dès la fin de l’année une communication avec des orientations pour l’après-2013. Avant cela, j’entends mener une vraie consultation, un vrai débat public au-delà des partenaires agricoles traditionnels. Je souhaite que le grand public, les contribuables, les organisations non gouvernementales y participent. Ce débat sera lancé dès le mois d’avril. J’espère que des premières conclusions seront dégagées au début de l’été, probablement à l’occasion d’une conférence que je souhaite organiser. D’ici là, j’entends parcourir l’Europe et aller à la rencontre, bien sûr des ministres de l’agriculture, mais également des représentants agricoles et des élus locaux, visiter des exploitations. De ma formation, j’ai appris que l’on ne peut pas comprendre l’agriculture en restant derrière un bureau. L’enjeu de ce débat est clairement de montrer aux citoyens qu’il y a plus d’avantages à maintenir la politique agricole commune qu’à s’en passer.
Vous plaidez pour une politique agricole plus équitable. Les exploitations françaises toucheront-elles les mêmes aides qu’en Pologne ou qu’en Lettonie ?
Pour renforcer la crédibilité de la politique agricole commune auprès des contribuables, pour donner des perspectives à long terme aux exploitations, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur des méthodes de calcul pour les aides directes. Il est difficilement imaginable qu’entre 2014 et 2020 ces aides, importantes pour assurer une certaine stabilité du revenu des producteurs, soient basées sur des niveaux de production des années 2000-2002. Les aides doivent être transparentes et équitables.
La volatilité accrue des prix agricoles ne rend-elle pas nécessaire la création d’un fonds de crise comme il en existe déjà un pour aider les éleveurs en cas d’épizooties ?
Il n’y a pas de doute, la volatilité des prix est devenue ces dernières années un problème essentiel. Nous devons avoir les outils à disposition pour accompagner les agriculteurs dans les situations difficiles comme nous en avons vécues ces derniers mois. Mais ces instruments doivent être bien ciblés et rester d’application exceptionnelle. Sur cette question, je suis véritablement à l’écoute et ouvert aux nouvelles idées. Les premières discussions au Conseil agricole ont montré la diversité des solutions envisageables, mais déjà une convergence d’un grand nombre d’Etats membres sur la nécessité d’agir.