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Semis de printemps en non-labour : quelles techniques pour réchauffer ses sols ?

En non-labour, que ce soit en techniques culturales simplifiées ou en agriculture de conservation des sols, l’enjeu du réchauffement des sols pour l’implantation des cultures de printemps invite à s’intéresser à certaines techniques et pratiques agronomiques.

Semis de maïs au strip-till en période de sécheresse en juin 2023, agriculture de précision
En maïs, certains agriculteurs ont adopté des outils localisés sur le rang, comme le strip-till, parfois utilisés en deux passages.
© Watier

« Quand on réduit le travail du sol, la minéralisation habituellement obtenue par le labour doit être favorisée par d’autres techniques, et c’est essentiel pour que les cultures de printemps puissent démarrer convenablement », résume Lucile Pérès, conseillère agronome indépendante dans le Gers. Selon les conditions météorologiques de l’année, le réchauffement des sols pour permettre des conditions d’implantation propices au bon développement de la culture, par exemple un maïs, va donc être un enjeu de taille. Cet enjeu concerne-t-il toutes les exploitations agricoles en non-labour, du nord au sud de la France ? Certaines cultures sont-elles plus sensibles à cette question du réchauffement des sols au moment de l’implantation ? Existe-t-il des techniques permettant de préparer ses sols sans pour autant effectuer un travail du sol profond ?

Caractériser la « froideur » d’un sol est tout d’abord à rapprocher de sa typologie, et en l’occurrence de sa couleur. En d’autres termes, il faut regarder la couleur d’un sol pour avoir une idée de sa capacité à se réchauffer rapidement au printemps. « Ce qui fait que le sol est plus ou moins froid est lié à sa couleur », confirme Jérôme Labreuche, spécialiste chez Arvalis. Les sols blancs, comme les sols calcaires, réfléchissent la lumière, contrairement aux sols noirs, très organiques. Ces derniers vont se réchauffer plus rapidement. On constate que les cultures de printemps démarrent mieux dans les zones colorées. Autre facteur à prendre en compte, identifié par l’expert d’Arvalis : l’humidité du sol, notamment concernant les sols lourds.

Les agriculteurs qui pratiquent le labour vont pallier cette contrainte par le travail du sol. « Le fait de travailler le sol l’assèche, ce qui facilite son réchauffement, explique Sylvain Duthoit, ingénieur agronome à la chambre d’agriculture de la Marne. Il y a un effet minéralisation du sol par le labour : on amène de l’air et le fait d’assécher contribue à cette minéralisation. »

Des outils pour grattouiller le sol

Sauf que dans certains systèmes, le travail du sol par le labour n’est pas ou plus une option, que ce soit pour des raisons liées à un choix personnel de l’agriculteur, ou pour une nécessité liée à des phénomènes d’érosion, de réduction de l’activité biologique des sols. Cela dépend donc d’un contexte territorial. Or, en non-labour, lorsque le sol est couvert par des résidus végétaux, il est moins aéré, car moins travaillé. « Cela altère la conduction thermique entre les différentes couches, avec le plus souvent un sol plus humide en surface, ce qui constitue un avantage en année sèche, mais peut porter préjudice au bon démarrage des cultures », pointe Jérôme Labreuche.

La mise en place de certaines pratiques s’avère nécessaire pour contrer ce phénomène et réussir ses semis de printemps. L’une des options réside dans l’action de « grattouiller » le sol avec un outil (vibroculteur, déchaumeur à disques indépendants) sans pour autant effectuer un travail du sol en profondeur. « Un petit travail du sol permet un meilleur contact entre la terre et la graine, donc une meilleure levée, une meilleure population », suggère Sylvain Duthoit. Ainsi, en maïs, certains agriculteurs ont adopté des outils localisés sur le rang, comme le strip-till, parfois utilisés en deux passages.

Adapter l’engrais, les couverts, les variétés

L’autre option à envisager pour favoriser un bon démarrage de la culture en sols plus froids est la compensation, notamment en maïs, pour aider la plante à bien démarrer. « On peut compenser cette faiblesse par des engrais sur la ligne de semis », cite le spécialiste d’Arvalis. Jouer sur une densité de semis plus importante peut aussi être envisagé. Se pencher sur la vigueur de la plante invite en outre à s’intéresser aux progrès variétaux, avec des semences de maïs présumées plus adaptées en sols froids.

Enfin, la question des couverts et de leur destruction est également prépondérante concernant le réchauffement des sols et le démarrage des semis de printemps. Réchauffer son sol peut en effet passer par le choix du couvert. « Dans le Sud-Ouest, les couverts de type féverole, en mélange avec la phacélie, sont assez répandus, témoigne Lucile Pérès. Les résidus noircissent en séchant, et ce paillage noir au sol va attirer la lumière et ainsi réchauffer le sol. Cet effet couleur se poursuit en fonction du mode de destruction du couvert, notamment si on laisse des parties de couverts sur la surface du sol. »

Quelle que soit la technique utilisée pour favoriser un réchauffement du sol, il faut avoir en tête que le démarrage d’une culture implantée en semis direct sera moins rapide et qu’elle mettra plus de temps à couvrir le sol. Néanmoins, cette situation n’est pas forcément problématique en maïs, comme le signale Jérôme Lebreuche : « Un maïs un peu plus humide à la récolte n’est pas forcément synonyme d’une dégradation du rendement. Il faut surtout surveiller la sensibilité aux ravageurs, qui s’attaquent aux plantes jeunes et fragiles. En cas de risque spécifique, il peut être envisagé de décaler la date de semis. »

En tournesol, la question des ravageurs est elle aussi prédominante. Des terres qui ne sont pas suffisamment fines peuvent ainsi se transformer en autoroute à limaces. Enfin, l’expert d’Arvalis recommande de se baser sur la météo pour décider ou non de semer sa culture de printemps, avec comme référence dix jours de beau temps.

Mesurer la température du sol en tournesol

En tournesol, l’implantation en semis direct ou en techniques culturales très simplifiées doit encore faire ses preuves et représente un risque. Elle fait néanmoins l’objet de travaux dédiés, menés entre autres par Terres Inovia et un réseau de partenaires. La question du réchauffement des sols est également prépondérante en tournesol. Pour cela, une technique peut facilement être appliquée pour mesurer la température du sol. « Il est possible d’utiliser un thermomètre de sol, à savoir une sonde, positionnée à cinq centimètres de profondeur, explique Mathieu Abella. Les relevés sont plutôt effectués le matin, et l’idée est de suivre l’évolution des températures, ce qui est important pour les sols qui ont du mal à se réchauffer. L’objectif est d’atteindre 8 degrés, correspondant à une bonne température pour favoriser la germination et la levée rapide du tournesol. »

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